Règlement de compte type «Ok Corral»

Justice

Les prévenus avaient sorti les fusils./ Photo DDM, illustration.

Éric 59 ans est seul à la barre. Philippe, 24 ans est absent. Tous deux sont prévenus dans une affaire de violence avec arme. Les faits remontent au 18 août 2014 et ils se passent à l’Isle en Dodon. «Ils auraient pu prendre une tournure plus grave», souligne la présidente, Sylvie Chamayou. Vers 18 h 30, abondamment alcoolisés, Philippe, son frère Jason aujourd’hui décédé et Momo percutent plusieurs véhicules stationnés, devant le domicile d’Éric. Ce dernier veut établir un constat. Le trio prend la fuite emboutissant un autre véhicule. Éric, charpentier de son état ne se démonte pas. Accompagné de son fils, Jonathan, ils sautent dans leur «camion palette» chargé en tuiles pour les retrouver.

«Une bagarre phénoménale»

Lorsque les fuyards sont rejoints, au centre-ville, une altercation verbale dégénère en violences : affrontement à coups de tuiles, vitres du camion brisées, coups de cutter. Philippe extirpe Jonathan de l’habitacle. Armé d’un cutter, il entaille le bras et le ventre de Jonathan. Puis chacun repart de son côté. Les témoins évoquent «une bagarre phénoménale». Éric est convaincu qu’ils vont revenir armé. Il invite ses voisins à se calfeutrer dans leur logement.

Le trio revient encore

Vers 19 h 45, le groupe élargi revient pour en découdre. Leur véhicule est stationné à trente mètres du domicile d’Éric, ils progressent lentement. Ce dernier, armé d’un fusil et, retranché derrière sa fenêtre, fait feu, une 1re fois dans leur direction, ne touchant personne. Puis une 2e fois, alors qu’ils sont remontés dans leur véhicule. La lunette arrière explose. Les impacts de plomb blessent Philippe au niveau de l’épaule. Le trio prend la fuite. «Les choses auraient pu en rester là», précise la présidente mais la rancune est tenace.

À 20 h 30, retour sur place, Philippe est armé à son tour : salve de coups de feu sur l’habitation. Des impacts sont relevés. Le maire et un adjoint présents sur les lieux assistent à la scène, médusés,. «Dès les premiers coups de feu, je me suis jeté à terre», relate l’un d’eux. Le maire tente de calmer Philippe. Il est instamment invité à circuler. «La prochaine balle est pour toi», menace Philippe.

«Si j’avais voulu les tuer, j’aurai pu»

À la barre Éric décrit calmement ces scènes surréalistes : «Je suis persuadé qu’ils ont toujours été armés. J’ai aperçu un canon. Si j’avais vraiment voulu les tuer, j’aurai pu. Eux l’auraient fait». «Ils n’étaient pas armés initialement», avance la présidente. La procureur requiert de la prison ferme pour les deux parties au casier judiciaire chargé. Maître Zanin, du barreau de Toulouse, conseil d’Éric évoque un contentieux entre deux familles. «Au départ, ce n’est que de la tôle froissée et puis ça dégénère». L’avocat plaide un sursis avec mise à l’épreuve.

Après délibération, Philippe écope de 6 mois de prison ferme, Éric, 4 mois ferme. Ils devront régler 2 500 euros pour le maire, 500 euros pour le propriétaire d’un véhicule dégradé et 300 euros pour frais de justice. Les armes sont confisquées. Éric prend acte de la condamnation et, dépité, déclare : «Alors, il faut se laisser tuer».